Samir Ait-Said : « Je m’accroche à mes rêves »

L’image avait fait le tour du monde et suscité une grande émotion qui avait submergé le gymnaste antibois. Ce samedi 6 août 2016, Samir Aït-Saïd est victime d'une fracture ouverte du tibia péroné gauche après une mauvaise réception au saut. Il est aussitôt évacué sur une civière de la Rio Olympic Arena sous les applaudissements et les yeux embués des 12000 spectateurs et de centaines de millions de téléspectateurs. La vision de sa jambe désarticulée est effrayante mais très rapidement le futur kinésithérapeute communique avec talent pour rassurer ses supporters devenus beaucoup plus nombreux (55000 followers sur Facebook !). Treize mois après cet épisode autant dramatique que médiatique, le champion d‘Europe 2013 aux anneaux retrouvera la compétition sur son agrès fétiche à l’occasion des Internationaux de France les 16 et 17 septembre à l’AccorHotels Aréna de Paris.

Samir, comment vas-tu ?

Je me sens de mieux en mieux. Depuis début juillet, je tourne à une trentaine d’heures d’entraînement par semaine. C’est une lourde charge de travail car en plus des séances à la salle, je termine la journée par un travail physique, notamment de la course en côte pour faire travailler le cardio. Parfois, je vomis tellement je me donne à fond. Et voilà, le soir, je suis éteint (rires).

Mais tu aimes t’entraîner à ce point ?

Non pas vraiment mais comme je me suis arrêté longtemps, je dois poursuivre mon affûtage. Je dois continuer à perdre du poids car pendant que je préparais mes partiels de kinésithérapie, j’ai un peu grignoté et consommé des boissons gazeuses sucrées. La journée était consacrée à la rééducation et le soir je révisais. Je me suis beaucoup investi pour obtenir mon diplôme de kiné que j’ai décroché le 2 juillet dernier. Depuis, je peux m’entraîner sereinement et bien plus dur. Sans retenue.

À deux semaines de ton retour à la compétition, as-tu des fourmis dans les jambes ?

À fond car je ne suis pas fait pour l’entraînement. Mon truc, c’est l’adrénaline de la compétition. Je suis avant tout un compétiteur et j’aime aller au combat et rapporter des médailles pour mon pays.

Retrouver la compétition par les Internationaux de France, c’est un retour par la grande porte ?

Tout a été calculé (rires) ! Dans un premier temps je visais un retour pour les Championnats d’Europe à Sofia. Mais j’ai choisi de faire l’impasse pour ne pas mettre en péril la fin de mes études. Voilà, maintenant je prépare le rendez-vous de Bercy.

Les images de ta blessure spectaculaire ont fait le tour du monde, sur les TV et les réseaux sociaux. Les as-tu revues et comment vis-tu ta notoriété ?

Franchement, cela ne me dérange pas car dans mon cursus estudiantin, j’ai déjà vu des blessures identiques. On m’arrête parois dans la rue pour faire des photos et on me demande comme ça va. Ce qui est étonnant, c’est que certains baissent la tête pour vérifier comment est ma jambe ! J’essaie aussi de répondre à tous les messages sur les réseaux sociaux. Encore récemment, une jeune gymnaste m’a sollicité pour assister à l’entraînement à Antibes. Elle était en vacances sur la côte d’Azur et elle en a profité pour venir avec ses parents à la salle.

Cette blessure a t’elle changé ta vision de l’avenir ?

Avant cet arrêt, je souhaitais poursuivre jusqu’à Tokyo 2020. Mais avec les Jeux à Paris en 2024, je ne peux pas m’arrêter avant ! Dès lors où j’ai assuré ma reconversion, je peux me concentrer sur cet objectif olympique. Le soutien du public me transcende et je m’accroche à mes rêves.

Sur quel agrès vas-tu te présenter ?

Comme je l’ai dit à Yann Cucherat, si je suis sélectionné pour les Championnats du monde au Canada, je n’irai pas pour seulement participer mais pour me focaliser sur une médaille aux anneaux. Je ferai les autres agrès lorsque ce sera pour l’équipe de France.

Aujourd’hui je me situe à 85 % de mon niveau de forme et au moment des Internationaux de France, je vise les 90 % à Bercy. Et pour le Mondial, si je suis du voyage, je serai à 100 %.

Lorsque tu vas entrer pour les qualifications aux anneaux samedi dans une l’AccorHotels Aréna remplie, tu ne crains pas d’être submergé par l’émotion ?

Mais je ne viens pas pour faire le show mais pour me faire plaisir et pour gagner une médaille sur cette étape de Coupe du monde. Beaucoup de personnes qui m’ont suivi et des personnalités du monde du sport, quelques people aussi, vont certainement venir. C’est sympa mais le plus important, c’est le soutien de ma famille.

As-tu été impacté économiquement par cette année blanche ?

Un seul partenaire privé ne m’a pas suivi, c’est le seul point négatif durant cette période post-olympique. En revanche la collaboration avec Disney France s’est poursuivie dans une relation de confiance. La Fédération et mon club ne m’ont pas laissé tomber et j’ai pu me consacrer sereinement à ma rééducation et à mes études.

Dernière question : vas-tu savoir faire ton sac ?

Ah mais oui, cela ne s’oublie pas et je le ferai au dernier moment, comme d’habitude (rires) !