Juliette Bossu met un terme à sa carrière : "Représenter la France a été la meilleure...

Alors que l'équipe de France de Gymnastique Artistique Féminine s'envolera bientôt vers Houston pour un stage en vue des championnats du monde de Stuttgart qualificatifs pour les Jeux olympiques, Juliette Bossu, vice-championne d'Europe par équipe en 2018, la grande absente de cette préparation, vient d'annoncer l'arrêt de sa carrière. Elle revient sur cette décision et ses années au sein du collectif France.

Peux-tu nous expliquer les raisons qui t'ont poussée à mettre fin à ta carrière ?

La première raison, ce sont mes douleurs aux genoux. Depuis trois ans, je ne faisais plus que des barres asymétriques alors que toutes les autres filles travaillaient sur les quatre agrès. Cela devenait vraiment compliqué à gérer. J'étais fatiguée physiquement et moralement. Aussi, je ne faisais pas parti de l'équipe en préparation pour les championnats du monde, je n'ai pas été convoquée aux derniers stages, à Barcelone ou à Houston. Je n'étais donc plus vraiment dans le groupe qui s'entraîne en vue des Jeux olympiques de Tokyo. J'ai donc pris la décision d'arrêter ma carrière de haut-niveau. J'ai besoin de faire un break avec la gym. J'y reviendrai sûrement plus tard pour me faire plaisir.

Comment as-tu appris que tu ne ferais pas parti du collectif qui prépare les championnats du monde ? 

Après les finales par agrès des championnats de France à Saint-Brieuc, nous nous sommes réunis avec le pôle de Saint-Étienne. Les coachs nous ont félicitées pour le travail accompli lors du week-end. A la fin, Eric [Hagard] m'a pris à part et m'a annoncé qu'après discussion avec Véronique [Legras-Snoeck], je ne participerais pas à la préparation pour le championnat du monde et ce, même si j'avais fait du bon travail car j'étais une spécialiste.

Avais-tu déjà pensé à arrêter avant cette annonce ?

Non, pas vraiment, enfin, on a toujours des moments de moins bien et de doute, où cette idée nous traverse l'esprit, mais ce n'était jamais sérieux. J'ai vraiment pris cette décision cet été à la suite de cette annonce.

Tu as essayé de revenir sur d'autres agrès, pourquoi cela n'a pas abouti ?

J'ai effectivement essayé de revenir sur plus d'agrès, mais mes genoux ne suivent pas. Pendant un an et demi voire deux ans, je me levais le matin et j'avais mal au genou. Je ne pouvais pas marcher ou monter des marches correctement. Dès que l'on passait au sol, mes douleurs étaient tellement fortes que j'en pleurais. Cela a été la période la plus dure de ma vie. Et je ne voulais plus revivre ces années-là. Je me suis donc résolue à ne reprendre ni le saut, ni la poutre, ni le sol.

Comment te sens-tu à l'idée d'arrêter la gymnastique ? 

Ma décision est encore très récente et je me sens donc encore un peu triste à cette idée. Ce choix a été très difficile à faire et j'essaye de ne pas trop y repenser. Il n'y a pas un moment où je me dis que j'ai pris la mauvaise décision. Lorsque je me revois à l'entraînement et que je repense à mon état d'esprit, je sais que ce n'était pas sain et qu'il était temps que je m'arrête. Je suis donc certaine de ma décision. Je suis aussi un peu stressée parce que j'ai n'ai fait que de la gym toute ma vie, ce sera donc un très gros changement.

Quelle sera la suite pour toi ?

Je voudrais partir aux Etats-Unis en tant que jeune fille au pair pendant 6 mois, car j'ai toujours adoré ce pays. Je voulais faire une année universitaire là-bas, mais comme je ne fais qu'un seul agrès et qu'il faut une bourse d'études c'est un peu compliqué. J'ai quelques contacts, mais pour le moment le projet n'a pas abouti. Ils me recontacteront peut-être si des places se libèrent. En attendant, je me concentre sur mon projet de voyage au pair. 

Peux-tu revenir sur le meilleur moment de ta carrière ?

Je garde en mémoire beaucoup de bons moments. J'ai adoré mes années juniors. On avait une super équipe, c'était encore le temps où on faisait de la gym sans avoir mal nulle part et surtout avec facilité. On enchaînait les compétitions et on adorait ça. On gagnait tout. Après, je suis passée en senior, c'était également de belles années, mais je ne me souviens pas être déjà arrivée en compétition avec l'impression d'être parfaitement prête. Ces années ont été plus tumultueuses, mais c'était quand même de beaux moments avec la découverte d'une nouvelle pratique de la gymnastique et un besoin de préparation intense pour réussir. L'un de mes plus beaux souvenirs restera notre médaille d'argent par équipe aux championnats d'Europe à Glasgow. Cela nous a rappelait l'esprit d'équipe que nous avions en junior, avec la même équipe. Nous étions déterminées et nous visions l'or : remporter l’argent était presque une déception alors qu’il s’agissait d’une médaille historique. Nous avions tout de même battu les Russes en qualifications !

Que retiendras-tu de tes années de gymnastique ?

Tous. C'était ma vie jusqu'ici. Je suis allée plus à la gym qu'à l'école, j'ai vu plus mes entraîneurs que ma famille. La gym a appris beaucoup de choses et notamment le goût de l'effort.

Tu es au pôle de Saint-Étienne depuis 6 ans, es-tu triste de le quitter ?

Je n'ai pas revu les filles depuis ma décision, car je suis en vacances « prolongées ». J'ai prévu de retourner à Saint-Étienne le 24 août pour leur dire au revoir, récupérer mes affaires au pôle et vider mon appartement. Je pense que ce sera un moment plein d'émotion, mais qui ne changera pas ma décision. Puis, je retournerai à Mulhouse chez mes parents pendant quelques temps avant de partir aux États-Unis.

Un mot pour la fin ?

Représenter la France a été était une chance énorme, la meilleure chose qui me soit arrivée. Si les circonstances avaient été différentes, je n'arrêterais pas aujourd'hui, mais je suis du genre à penser que rien n'arrive par hasard.