Thomas Schreyer

RIO 2016 : interview bilan de Corinne Callon, Directrice Technique Nationale

À la sortie des Jeux Olympiques de Rio 2016, Corinne Callon, dresse un bilan général puis discipline par discipline. La Directrice Technique Nationale évoque aussi l’avenir et les directions à prendre pour performer à Tokyo en 2020 puis en 2024.

Thomas Schreyer

Vous aviez annoncé un objectif de trois médailles. Malheureusement la gymnastique française est repartie bredouille de Rio. Quelle est votre analyse ?

Cet objectif très ambitieux n’a pas été atteint mais pour autant on ne peut pas parler de contre-performance. Le niveau international est très relevé et dans ce contexte nous avons obtenu 7 finales avec notamment deux quatrièmes places et une 7ème place.

Quel a été l’impact de la gymnastique lors de ces Jeux olympiques ?

La gymnastique n’est pas un sport national au Brésil. Lors de chacune des éditions des J.O., la gym est énormément suivie. La salle de 14 000 places a fait quasiment le plein tous les jours et la tribune réservée aux médias était immense. Je ne suis pas en mesure de comparer avec les autres disciplines mais il me semble bien que la gym a été particulièrement suivie.

Quel a été votre rôle tout au long de ces Jeux ?

Je me suis attachée à gérer deux secteurs. Tout d’abord les aspects logistiques de nos équipes, afin d’éviter toute erreur sur les inscriptions, les transports, les tenues… Beaucoup d’aspects avaient été anticipés mais il fallait rester vigilante. Mais le plus important était de mettre de la sérénité dans un environnement où la pression est quotidienne et naturelle. L’objectif est de maintenir un équilibre permanent : être très présente sans être trop proche afin de se tenir à l’écoute pour capter les éventuelles contrariétés et les faire disparaître. Enfin, c’est évident, vérifier que l’énergie et l’état d’esprit étaient uniquement tournés vers la performance et la compétition. Je tiens à remercier l’ensemble de la délégation, gymnastes et tous les encadrants, qui a fait preuve de détermination dans une excellente ambiance.

C’est l’un des rares événements où toutes les disciplines gymniques cohabitent…

Les liens avaient été tissés en amont. Les Jeux européens de Bakou en juin 2015 avaient servi de répétition. Nous avions ainsi vécu une première expérience multi disciplinaire. Lors de l’olympiade, nous avons aussi organisé des regroupements, soit lors de compétitions, soit à l’occasion de réunions ou de séminaires, autant d’opportunités de se rencontrer.

Comment s’est déroulée la vie dans le village olympique et quelle était l’atmosphère ?

Le village olympique était constitué de 17 grands immeubles. La délégation française occupait les étages du 6e au 18e. Nous étions au 6e étage avec quatre appartements qui regroupaient les gymnastes garçons, les filles et l’encadrement. Le village est une mini ville avec son restaurant, ses espaces de divertissement, sa salle de fitness. Les règles de vie communes ont été respectées : l’objectif était de respecter l’hygiène de vie des sportifs de haut niveau. Globalement, il y avait une ambiance studieuse.

A titre personnel que retiendrez-vous de ces Jeux ?

Je retiendrai que ce qui a été planifié et programmé, a bien été réalisé. Dans le cumul de tous les passages, les gymnastes ont fait leur job dans les quatre disciplines. Cette performance d’ensemble est une satisfaction. D’autre part et de façon générale, force est de constater que les performances françaises sont en décalage avec le plus haut niveau. Cela doit guider nos feuilles de routes pour les prochaines olympiades

La blessure de Samir Aït-Said a-t-elle eu un impact sur le résultat par équipes ? Cette blessure très impressionnante a marqué les esprits de l’ensemble des acteurs, sportifs, juges, entraîneurs, officiels sur place mais aussi des fans et du monde du sport en général. Comment avez-vous vécu cette médiatisation soudaine alors que les autres gymnastes étaient toujours en compétition ?

Le temps de la blessure a généré beaucoup d’émotions. Nous avons débriefé cet accident puis nous avons tourné la page, afin de nous recentrer sur notre quotidien. Les équipes GAM et GAF ont réussi à rester concentrées sur leur performance. J’ai évidemment suivi de près la gestion de la blessure de Samir, avec le médecin de notre équipe qui était sur place et je me suis assurée que son moral était bon. Je suis restée focalisée sur la performance des gymnastes et pas sur les aspects médiatiques. Même si l’on préfère que ce soit au travers de performances, l’aspect positif, si j’ose dire, est que Samir a bien rebondi et a valorisé notre sport. En revanche maintenant, il faut débriefer et bien accompagner Samir sur la suite de son parcours.

Concernant la GAM, à l’issue des qualifications, Axel Augis et Cyril Tommasone se sont qualifiés pour 2 finales, respectivement au concours général et aux arçons Danny Pinheiro Rodrigues, deuxième remplaçant aux anneaux, rentre finalement en finale (suite aux forfaits de Samir et du Néerlandais). Quelle est votre analyse sur ces performances ?

A Rio nous avons atteint 3 finales. La blessure de Samir en tout début de compétition nous prive certainement d’une finale équipe et d’une éventuelle médaille aux anneaux. Cyril quant à lui termine 4ème de la finale aux arçons après avoir réalisé deux très beaux mouvements en qualification puis en finale. C’est dommage car Cyril est passé tout prêt mais c’est la loi du sport.

La GAF termine à la 11ème place et place 3 filles en finale. Marine Brevet et Louise Vanhille au concours général et Marine Boyer à la poutre. Le plan de marche est-il respecté ?

À Pékin, il y avait eu 3 finales, deux gymnastes qualifiées pour le concours général et la finale par équipe. À Londres, nous avions obtenu une seule finale dans le concours général. À Rio, nous avons progressé avec trois finales et une 4e place à la poutre. Depuis Athènes, nous n’avions pas de gym qualifiée en finale. Certes, il nous manque la finale équipe mais nous sommes sur une pente ascendante.

Pour la première fois de son histoire, la France a réussi à qualifier une féminine en trampoline. Marine Jurbert termine à la 14ème place. Sébastien Martiny, est quant à lui 10ème de son concours, pour sa première participation. Quelle est votre analyse sur ces performances ?

Marine a le regret d’avoir fait une erreur en fin de son mouvement Libre 2. Mais de toute façon elle ne pouvait pas atteindre la finale. Cette première participation aux J.O. donne de l’espoir pour des résultats futurs. Concernant le trampoline masculin, nous n’avions pas de finaliste à Pékin et nous avions obtenu une 7e place en finale à Londres. Avec une 10e place cette année, nous restons au même niveau.

Kséniya Moustafaeva représentait la Gymnastique Rythmique…

La GR n’était pas représentée à Pékin tandis qu’à Londres Delphine Ledoux n’était pas entrée en finale. Au regard de la concurrence internationale qui était au complet, Kséniya a réalisé une très bonne performance en accédant à la finale.

Quel est le programme pour les gymnastes à leur retour en France ?

Il y aura naturellement un temps de repos mais hélas pas pour tout le monde. Louis Vanhille se reposera physiquement mais elle soit préparer ses examens du baccalauréat pour la session de septembre. Puis viendra le temps du débriefing et du bilan. Marine Brevet a annoncé sa retraite, Danny Pinheiro Rodrigues l’a évoqué. Ce ne sont pas des décisions qui se prennent sur un coup de tête dans un couloir. C’est le rôle de la Mission d’Accompagnement de la Performance.

Quelles sont les directions à prendre pour performer à Tokyo en 2020 puis en 2024 ?

Pour gagner des places, nous devons augmenter notre contenu. Il apparait nécessaire d’améliorer la préparation physique et l’explosivité pour mettre plus de difficultés dans les mouvements. Nous sommes trop faibles dans les acrobaties et nous manquons de puissance. Certains de nos gymnastes ne sont plus en capacité de progresser. Si à Rio, nous avons produit de la belle gymnastique avec des progrès dans l’exécution et peu d’erreurs, ce n’est pas suffisant. Nous devons garder cette qualité sur un niveau plus élevé de difficultés.