GAM/GAF/TR - Jeux olympiques : le bilan des DHN

Au lendemain de la dernière épreuve olympique du clan tricolore de gymnastique, les trois directeurs du haut-niveau des disciplines engagées dans ce grand événement sportif tirent le bilan de ces Jeux de Tokyo.

Le bilan de la gymnastique artistique masculine avec Laurent Barbieri 

Samir a ressenti une douleur trois jours avant l’échéance, juste à la fin de sa préparation. Comme les conclusions du staff médical n’étaient pas inquiétantes et qu’il avait deux jours de repos, il s’est fait soigner. En revanche à l’échauffement de la finale, il a senti une douleur lorsqu’il a fait ses éléments de force. Forcément l’angoisse de la blessure a augmenté mais il n’a pas voulu renoncer et a tout donné lorsqu’il est passé. C’est là-dessus que Samir est admirable, c’est un guerrier. Il a serré les dents sauf qu'il a commis des fautes sur l’exécution sur son entrée et sa sortie. Les trois-quatre dixièmes qu’il lui manquent, sont là. Les juges estimaient sa marge de progression de quatre dixièmes après les qualifications entre les alignements, les maintiens en force et la sortie. Mais là, par rapport au contexte, il n’a pas réussi à augmenter sa note finale et il reste en dessous. Les Chinois ont plombé la finale d’entrée de jeu avec de très gros mouvements. Forcément, il y a des regrets et de la frustration parce que nous ne rapportons pas de médaille alors que nous étions venus pour ça et surtout au regard de l’investissement et le travail incroyable de Rodolphe et de Samir. Du côté de Cyril, il a toujours le même protocole d’entraînement, il est réglé comme une horloge suisse. Mais peut-être que le protocole est un peu fétichiste, qu’il en a besoin pour réussir sauf que dès qu’il y a un petit grain de sable, Cyril est déstabilisé. Ça l’enferme peut-être un peu trop. C’est mon observation du moment.* Quant à Loris, il fait son match, mais pour moi, il était loin de se situer dans la haute performance.

Ces Jeux, décalés d’une année, sont la conclusion d’un cycle amorcé en 2017 avec une non-qualification par équipe aux J.O. et une contre-performance au championnat d’Europe 2021. Le bilan de ces Jeux olympiques est donc assez négatif. Il ne faut pas le nier et exposer la vérité. Le chantier est immense. Le secteur masculin ne pourra se redresser que si l’on est capables de se regarder en face et d’accepter le changement afin de réagir. C’est également le projet fédéral. Ces changements doivent être consentis par l’ensemble des acteurs à la fois dans les méthodes d’entraînement, aussi dans le management. Les bilans sont importants à tirer et nous devons nous mettre en ordre de marche dès maintenant. Parce que les filles, qui sont quatrièmes lors des qualifications donc pas loin du podium, ont engagé leur chantier en 2013 et cela aboutit seulement maintenant et ce n’est pas encore tout à fait ça. Donc, dans le secteur masculin, le travail sera long. Lorsque je vois les juniors qui progressent, j’ai de l’espoir même si actuellement ils ne sont pas encore en capacité de remplacer les anciens. De la même manière que l’on peut parler d’une relève chez les gymnastes, il y a également une relève chez nos entraîneurs.

* actualisation 

Le bilan de la gymnastique artistique féminine avec Véronique Legras-Snoeck

Je reste fière du boulot qui a été fait mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir une pointe de déception parce qu’on aurait pu faire mieux. Peut-être qu’il faut qu’on y croie davantage. On a stabilisé un système qui nous amène dans les six premières mondiales. Pour faire mieux maintenant, il faut qu’on soit plus fortes, plus combatives. Il faut qu’on passe cet obstacle pour aller chercher le podium, c’est faisable. Je pense qu’il faut travailler sur l’esprit combatif. L’année supplémentaire aurait pu être bénéfique, mais ça n’a pas été le cas pour nous. En fin d’année 2019, on était prêtes, il restait quatre mois et l’état d’esprit de l’équipe était différent à ce moment-là. La situation était la même pour tout le monde, ce n’est donc pas une excuse, c’est simplement une analyse de la situation. On était moins prêtes cet été, moins précises en exécution parce qu’on a eu beaucoup de blessées jusqu’au dernier moment donc on n'a pas pu faire tout le travail de réception, d’artistique et de précision. Il faut que l’on soit plus fortes parce que si on n’a pas de marge, on n’a pas le droit à l’erreur, alors on est obligés d’être dans la perfection.

Je trouve qu’elles se sont engagées avec beaucoup de force, mais ça ne suffit pas. Pour aller plus haut, il faut qu’on augmente encore nos notes de départ, il faut que l’on soit plus fortes physiquement et en précision. Nous disposons de trois années pour cela. Un top cinq à Paris ne nous suffira pas. Là où je suis contente, c’est que tout le travail amorcé de changement des pratiques avec la responsabilisation des athlètes, le projet des athlètes et le respect des athlètes, on est capables d’entrer dans le top cinq comme ça. Surtout que lorsque ce travail a commencé, nous étions la 11e nation européenne. Nous avons réussi à grappiller des places, puis on devient vice-championnes d’Europe, puis quatrièmes mondiales aux qualifications et enfin, on loupe une médaille aux J.O. à rien. Le travail accompli est déjà énorme, mais maintenant, on ne peut pas s’en contenter, cela ne suffit plus. Nous devons aller chercher plus haut. On doit trouver le moyen d’accéder aux médailles dès 2024.

Le bilan du trampoline avec Christophe Lambert 

Comment expliquer l’inexplicable ?

Inexplicable car inattendue, improbable, inenvisageable.

Nous avons failli, c’est indiscutable, mais ces défaites ne sont pas dues à un niveau insuffisant, les médailles européennes et mondiales de l’année en témoignent, pas non plus dus à un manque d’investissement ou une mauvaise appréhension d’un problème technique, physique, qui serait alors plutôt intervenu sur l’exercice libre et non pas sur le premier exercice qui est accès sur l’exécution d’éléments simples.

C’est donc moins évidentes que se trouveront les causes de ces doubles chutes, intervenant exactement au même moment, au début du premier exercice. Bien sûr en trampoline il n’y a pas de deuxième chance et une telle faute sanctionne la fin immédiate de la compétition.

Pourquoi cette première chute de Léa ? Pourquoi une deuxième le lendemain d’Allan dans les mêmes conditions ? L’explication de l’une ne sera pas forcément celle de l’autre, l’autre la conséquence de l’une. Rien à voir ? Deux causes différentes ? Nous devons explorer toutes les hypothèses, sans se dire que cet événement improbable n’est qu’un fait du hasard, mais en cherchant ce qui a pu y conduire.

Jamais dans les compétitions de ce cycle Léa ou Allan ne sont tombés en L1, que ce soit lors des trois Championnats du Monde ou dans des compétitions de moindre importance. Même si le premier exercice n’est pas considéré comme leur point fort, ils se sortent toujours avec constance de cette épreuve et ne l’ont pas minimisé lors des entraînements.

Peut-être Léa est elle tombée par un surcroit de puissance qu’elle n’aura pas complètement géré dû à la combinaison d’un état physique retrouvé et de trampolines de compétitions meilleurs que ceux rencontrés sur les dix derniers jours. Peut-être Allan, premier gymnaste à passer et donc sans repère de notes, est-il « mort par élégance » en essayant de pousser au maximum de l’exécution chaque figure dans la recherche d’une grosse première note synonyme de finale, en manquant le point de poussée idéale sur la figure qui le propulse en dehors.

Léa et Allan, nous le voyons par les résultats des autres participants, avaient évidemment le niveau pour accéder en finale et les scores réalisés par les troisièmes sont de l’ordre de ceux qu’ils ont déjà atteints, ce n’était pas inaccessible.

Il est à constater que sur cette compétition encore, tant chez les femmes que chez les hommes, le niveau de difficulté produit en finale reflète totalement le classement, en cela au moins nous étions sur la bonne ligne et nous ne devons pas la lâcher.

Alors nous allons digérer l’indigérable et nous allons nous confronter avec l’ensemble des acteurs pour accepter, analyser, comprendre, et poser les bases d’une nouvelle préparation qui passera dès novembre par les premiers championnats du monde du cycle, encore et une dernière fois avec ce format de compétition qui inclus L1 et L2, avant de se projeter sur le nouveau règlement du cycle Paris 2024 que l’ensemble du collectif trampoline, féminin et masculin va aborder avec détermination.